Comprendre les enjeux de l’attache

Clio Marshall

Imaginons que je vous invite à boire un thé à la maison. À votre arrivée, je vous propose de vous asseoir et vous ligote à une chaise. Tout en vous demandant comment s’est passée votre journée, je mets l’eau à chauffer, prépare la théière, et vous complimente sur votre nouvelle coiffure. On toque à la porte, je quitte la pièce pour ouvrir et entame une discussion avec le facteur. En revenant, je vous sers une tasse, que je vous aiderai à boire, accompagnée d’un cupcake que je vous aiderai à manger, toujours souriante, en reprenant la conversation où nous l’avions arrêtée. Je passe une très belle après-midi. Et vous ?

Pas sur. Pourtant vous avez à manger, à boire, il fait bon dans la pièce et vous êtes sur une chaise confortable. Vous n’avez aucune raison de vous plaindre. Les cordes qui vous entourent les poignets ? Où est le problème ? Si vous n’étiez pas attachée vous seriez de toutes façons restée assise sur cette chaise. Oui mais si vous vouliez vous rendre aux toilettes ? Alors là tout se complique. 

Si vous m’exprimiez le besoin d’utiliser le petit coin, je pourrais choisir de finir d’abord ma conversation, parce que j’ai vraiment très envie de vous raconter comme j’ai croisé hier un vieil ami et que le plus drôle est la fin, croyez-moi vous voulez l’entendre. Vous pouvez bien patienter un instant. Sauf si je décide d’enchainer sur le film que je suis ensuite allée voir, il était vraiment touchant, croyez-moi ça va vous plaire. Vous pouvez bien vous retenir un peu, vous dirai-je alors avec le sourire et une petite tape sur l’épaule. 

Parce que oui, vous êtes tout à fait capable de vous retenir. Vous n’interrompez jamais une réunion de travail pour aller vous vider la vessie. Pourtant là, assise sur cette chaise, ligotée aux barreau, vous ne m’écoutez plus. Tout ce qui compte pour vous, c’est de savoir QUAND je déciderai de vous détacher pour vous laisser libre d’aller satisfaire un besoin qui devient de plus en plus urgent parce que cette action ne dépend pas de vous. Votre frustration et votre angoisse ne viennent pas des cordes qui vous attachent à la chaise mais de l’absence de liberté de mouvement. Vous n’avez pas réellement peur d’être attachée, vous avez peur de ne pas pouvoir vous détacher lorsque vous en aurez besoin. 

Si vous m’exprimiez le besoin d’utiliser le petit coin, je pourrais aussi décider d’interrompre ma conversation, de vous détacher et de vous laisser satisfaire un besoin primaire sur lequel vous n’avez aucun contrôle. Peut-être qu’alors, lorsque je vous ligoterais à nouveau à votre retour, vous seriez plus encline à me laisser faire. Vous me trouveriez surement très étrange, qui attache quelqu’un à une chaise pour boire un thé ? Mais sachant qu’il vous suffit de demander pour retrouver votre liberté de mouvement, est-ce que vous ne vous sentiriez pas rassurée ? 

Il y aurait moult choses à dire autour de tout ça. Est-ce que vous ne préfèreriez pas un café ? Est-ce que ce cupcake que vous aimiez tant dans votre enfance est toujours votre gateau préféré ? Est-ce que ma conversation vous intéresse vraiment ? Et est-ce que ma manie de vous tripoter la joue pendant que je parle vous est bien agréable ? Ou est-ce que vous êtes simplement trop polie (ou terrifiée) pour me demander d’arrêter ? Affaire à suivre… 

Pour l’instant, je vous laisse relire ce texte en remplaçant vous par votre cheval, les cordes par un box ou une barre d’attache, la conversation et le thé par un pansage et le besoin primaire… à vous de choisir !

Crédit photo : Marine Clavel
Et c’est le bel Achille bien sur !

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